à l'épreuve du chômage
- CFDT Magazine
- 15 mai 2017
- 3 min de lecture
Derrière les statistiques, le chômage est une réalité quotidienne pour des millions de Français et pour leur entourage. Désillusion, perte de repères, difficultés financières... Nous sommes allés à la rencontre de ceux qui le vivent au jour le jour.

Chaque mois, c'est devenu une habitude. Rémi écoute les médias annoncer les derniers chiffres du chômage. Après des années de crise, le nombre de demandeurs d'emploi reculerait depuis quelques mois. Une "bonne nouvelle", qui marquerait le signe d'un retour de la croissance, explique-t-on. Rémi, lui, est nettement plus sceptique. Licencié en 2015, ce mécanicien de 49 ans vient d'entrer dans son dix-neuvième mois de chômage. Alors il est un brin cynique : "Parfois, j'ai l'impression d'être un numéro de matricule. Un point insignifiant sur une courbe que certains promettaient d'inverser et que d'autres aimeraient gommer, mais que beaucoup préfèrent ignorer."
En trente ans, le chômage de masse s'est durablement installé. Pour des millions de Français, il est même devenu une fatalité, une mauvaise passe avec laquelle il faudra composer à un moment ou un autre e sa vie professionnelle. Raconté par ceux qui l'ont vécu, le chômage est une tout autre affaire. "Le problème, c'est que cette réalité humaine n'intéresse plus grand monde. On a fini par se préoccuper du chômage sans se préoccuper des chômeurs." explique Michel Debout. Or, pour ce psychiatre, "ne pas parvenir à retrouver un emploi, ne plus arriver à payer son loyer, se sentir inutile à la société sont loin d'être des phénomènes anodins". Dans ce qu'il nomme "le traumatisme du chômage", il décrit une succession d'épreuves déstabilisantes, dont la perte d'emploi constitue souvent le premier choc. Quelques années après leur licenciement, certains évoquent d'ailleurs avec une émotion encore intacte ce moment où leur vie professionnelle a basculé. "La perte d'emploi, c'est comme la mort : on sait que ça arrive mais on n'y pense jamais. On est bien dans son poste, on ne cherche pas ailleurs, on ne se remet pas en question", explique Yann, qui est resté dix mois au chômage après son licenciement.

Pour ce chef comptable de 34 ans, le choc a été d'autant plus rude que l'annonce fut brutale. "Je côtoyais ma direction tous les jours. Je venais de leur annoncer que j'allais me marier d'ici à quelques mois. C'est à ce moment-là, qu'ils m'ont annoncé que mon poste allait être supprimé. Pendant un instant, j'ai eu l'impression que le monde allait s'écrouler sous mes pieds."
Très vite pourtant, il faut rebondir. Dès les premiers mois, la recherche d'emploi constitue même un job à temps plein. "On active son réseau, on envoie des candidatures spontanées à tout-va. On s'arrange pour croiser le plus de monde possible, en quête d'opportunités. On donne tout" résume Yann. Des heures passées devant l'ordinateur, à l'affût de la moindre annonce, de la moindre occasion. Rémi se souvient lui aussi de ces premiers mois de recherche obsédants. "Au début, on s'investit corps et âme dans notre nouvelle mission, persuadé qu'on retrouvera rapidement quelque chose et que nos recherches finiront par payer."
Mais avec le temps, la confiance des débuts s'érode. Les refus successifs sonnent comme autant de remises en question, "un sentiment d'échec permanent que l'on nous renvoie en pleine figure", confie-t-il. En un an et demi, Rémi a envoyé plus d'une centaine de candidatures spontanées, passé plusieurs entretiens professionnels. Tous sont restés sans suite. "Ce manque de considération est très dur à vivre. Cela vous donne le sentiment d'être dans une sorte de trou noir aux parois glissantes dont vous ne parvenez pas à sortir. Vous avez beau essayer de vous accrocher, ça n'adhère pas, pour des raisons qu'on ne prend même plus le temps de vous expliquer."
Or dans une société où le travail constitue la norme sociale, l'absence ou le manque de travail rend rapidement suspect. Alors qu'on estime aujourd'hui qu'un actif sur deux connaîtra au moins une période de chômage au cours de sa carrière, les personnes en recherche d'emploi traînent encore pour une partie de la société cette image de "paresseux", d'"incompétents", ou encore de "profiteurs". ...
Lisez le dossier complet sur "vis ma vie de chômeur dans le n°433 CFDT Magazine de Mai 2017
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