La CFDT et les retraites : historique
- www.cfdt.fr
- 30 janv. 2020
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LA CFDT ET LA RÉFORME SYSTÉMIQUE DES RETRAITES RETOUR AUX SOURCES
Le principe d’une réforme systémique des retraites a été voté au congrès de Tours de 2010. Il est utile de revenir sur ce qui a conduit la CFDT à prendre cette position et d’examiner comment elle a approfondi et mis en oeuvre ensuite cette orientation.
1. PRÉMICES Le choix d’une réforme systémique en faveur d’un régime universel n’est pas arrivé par hasard. Il s’inscrit en continuité avec l’action de la CFDT pour les retraites, caractérisée par deux dimensions : • un attachement sans cesse réaffirmé à la répartition, fondée sur la solidarité ; • une volonté d’harmonisation, voire d’unification des régimes.
Il serait trop long de décrire ici toutes les étapes de la réflexion et de l’action de la CFDT. En amont du livre blanc sur les retraites de Michel Rocard, un rapport au CNC d’avril 1989, souligne la difficulté de « bâtir un grand régime unique pour tous les Français » en affirmant que cela conduit à un affrontement entre un « pot de terre », le régime général, et des « pots de fer », les régimes spéciaux, au détriment du premier. Il se prononce pour un étage de solidarité (tous les éléments non contributifs) tronc commun à tous les régimes qui serait financé par une contribution sur tous les revenus. Cette volonté d’harmonisation se traduit également dans l’engagement au long cours dans les négociations interprofessionnelles en faveur du rapprochement puis de l’unification dans l’Arrco des retraites complémentaires des non cadres, effective seulement dans les années 1990, puis la création de la caisse complémentaire unique Arrco-Agirc qui est effective depuis 2019. On pourrait aussi évoquer l’accord de 1996 créant un congé de fin d’activité dans la fonction publique où l’Uffa-CFDT est la seule organisation à proposer – et obtenir – que cette modalité de départ anticipé pour carrière longue bénéficie aux fonctionnaires qui justifient de 40 ans d’activité tous régimes confondus alors que le gouvernement (soutenu par les autres organisations syndicales) souhaitait le limiter à ceux justifiant de 37,5 ans en tant que fonctionnaire. Déjà, la CFDT pensait aux polypensionnés. Après la réforme Balladur de 1993, et le mouvement de novembre-décembre 1995, le congrès de Lille, en décembre 1998, esquisse les principes d’une refondation de la répartition où on peut lire, en creux, l’idée… d’un régime unique par points (un amendement demandant le retrait de cette partie du texte est rejeté) (Syndicalisme Hebdo n° 2725 du 5 janvier 1999) : « La CFDT, parce qu’attachée à la retraite par répartition, appelle à une refondation de la répartition. Dans ce cadre, les retraites liquidées et les droits acquis par les actifs pour leur carrière passée doivent être préservés. En s’inspirant des régimes complémentaires obligatoires, l’objectif est de rendre progressivement les régimes de base plus contributifs. La manière d’établir un lien plus direct entre cotisations versées et retraites perçues sera recherchée. Pour la CFDT, la solidarité consiste également à passer de la notion d’âge de la retraite à celle de la durée de carrière […], la pénibilité du travail est un élément à prendre en compte. Pour tenir compte des aléas de la vie (chômage, maladie…), de la conciliation vie professionnelle et vie familiale […], des correctifs doivent être mis en place […].Il sera nécessaire de prendre comme base de calcul des cotisations et des pensions tous les éléments du salaire, y compris les primes, dans le public comme dans le privé. »
2. DE LA RÉFORME DE 2003 AU « RENDEZ-VOUS DE 2008 »
Ce sont ces principes qui conduiront la CFDT à s’engager, seule, en faveur de la réforme de 2003 : harmonisation des paramètres entre régime général et régime de la fonction publique pour sauver la répartition,passage de la notion d’âge à la durée de carrière (dont carrières longues),première étape de prise en compte des primes dans la fonction publique.La loi de 2003 prévoit des « rendez-vous »tous les 5 ans pour ajuster les paramètres des régimes de retraite. La première échéance intervient en 2008. La loi de 2003 a programmé un allongement de la durée de cotisation à 41 ans tout en laissant la porte ouverte à un réexamen lors de ce rendez-vous. La CFDT refuse cet allongement,dans la mesure où, depuis 2003, rien ne s’est réellement concrétisé sur l’amélioration de l’emploi des seniors et la prise en compte de la pénibilité. Le CNC en débat lors de sa réunion des 27 au 29 mai 2008 alors qu’une journée d’action intersyndicales’opposant à l’allongement a eu lieu la semaine précédente. Dans le débat est exprimée la demande de ne pas se laisser enfermer dans des débats récurrents sur les paramètres et de travailler sur les conditions de création d’un régime unique.
(Intervention de l’URI Pays de la Loire en particulier :« Saisissons-nous de cette période pour voir si les salariés n’auraient pas intérêt à aller vers une refonte globale du système de retraites. Personne ne comprend vraiment quelque chose au système actuel, aucun salarié ne sait quand et quelle sera sa retraite, autant dire que trouver les voies de l’acceptation sociale d’une réforme des retraites n’est pas possible. Et si au congrès confédéral de 2010, la CFDT débattait de la mise à plat de tous les régimes de retraites ? »)
Le rapporteur conclut ainsi sa réponse (Voir notamment SH n° 3173 du 5 juin 2008 qui fait état de cette réponse. L’intervention intégrale n’est plus disponible en ligne.) : « Enfin pour conclure sur ce sujet des retraites, regardons un peu plus loin que demain. Les rendez-vous tous les 5 ans, actés par la loi de 2003, ont le grand mérite de nous permettre de piloter les régimes mais ils ont aussi comme conséquence de créer des moments de grande crispation et d’entretenir d’une certaine manière les scepticismes sur l’avenir des retraites solidaires, tout particulièrement chez les jeunes. Alors, l’idée qui a été exprimée dans le débat de profiter du temps qui nous sépare du prochain congrès confédéral pour lancer dans l’organisation une réflexion d’ensemble sur la mise à plat des régimes et les pistes d’harmonisation qui pourraient conduire à la création d’un régime unique doit être étudiée afin de voir la possibilité de sa réalisation. Au fond, c’est ce qui est arrivé au régime chômage, comme à l’assurance maladie et la CFDT est sans doute la mieux placée pour lancer un tel débat, y compris au niveau du grand public et en particulier en direction des jeunes. » Dès lors, la CFDT se met au travail sur le sujet. Groupes de travail, réunions dans les organisations. Elle auditionne notamment Thomas Piketty qui vient de publier avec Antoine Bozio « Retraites : pour un système de comptes individuels de cotisations : propositions pour une refonte générale des régimes de retraites en France » (La Documentation française – avril 2008).
Elle participe à un groupe de travail de Terra Nova (Qui débouche sur la publication d’un rapport « Retraites: quelles solutions progressistes ? » en mai 2010. http://tnova.fr/rapports/retraites-quelles-solutions-progressistes). En septembre 2009, anticipant la volonté du gouvernement d’engager une nouvelle réforme paramétrique qui reporterait l’âge de départ, la CFDT demande la réunion d’un « Grenelle des retraites » qui débatte de « scénarios de réforme systémique » (Dossier de presse de la conférence de presse du 10 septembre 2009.)
« L’heure n’est plus au rafistolage du système mais à une remise à plat et à une reconstruction qui tienne compte des profonds bouleversements qui ont marqué la démographie, la société, l’économie et le marché du travail durant les dernières décennies. Le débat sur les retraites ne peut se limiter à un face à face entre les partenaires sociaux et l’État : il s’agit d’un véritable débat de société qui nécessite clarté sur les enjeux, appropriation par les citoyens, approfondissement de la justice sociale pour rendre les évolutions nécessaires acceptables. Afin de répondre à toutes ces exigences, la CFDT se prononce pour un Grenelle des retraites qui allie mise à plat, débat sur des scénarios de réforme systémique en associant toutes les composantes de la société civile. »
3. LE CONGRÈS DE TOURS EN JUIN 2010
Ce travail débouche sur la résolution du congrès confédéral de Tours en juin 2010. Celle-ci affirme que « toute réforme exclusivement paramétrique ne visant qu’un équilibre purement comptable serait vouée à l’échec et inacceptable pour la CFDT. » Figurent notamment dans la résolution, deux paragraphes qui tracent la perspective d’une réforme systémique : « Il faut garantir des mobilités positives entre régimes pour sortir de la pénalisation actuelle des polypensionnés. Pour cela, il est utile de réfléchir aux conditions d’unification des régimes des salariés des secteurs public et privé ainsi qu’aux contreparties associées, en particulier pour les jeunes générations. Assurer la lisibilité et la transparence du système. La lisibilité du système de retraite pour les assurés et l’efficience de son pilotage global impliquent de s’interroger sur une simplification de son organisation. L’unification des régimes obligatoires — de base et complémentaires — des salariés du secteur privé devrait répondre à cet objectif. » Le congrès tranche sur trois questions à partir de débats d’amendement : le principe d’un allongement de la durée de cotisations (et non d’un recul de l’âge légal) conditionné à la prise en compte de la pénibilité et des carrières morcelées ; le principe d’une démarche vers un régime unique ; une articulation entre revenu de remplacement (contributif assis sur les seules cotisations) et solidarité (maladie, chômage, droits familiaux, minimum…) faisant appel à d’autres ressources (Cf. brochure « Reconstruire l’avenir avec les salariés »rendant compte du congrès (juillet 2010). La publication n’est plus disponible en ligne).
4. DEPUIS 2010
Lors de la réforme de 2010, c’est pour répondre à une demande insistante de la CFDT que le Sénat intègre dans le texte de la loi un amendement qui prévoit à l’horizon 2013 (Loi n° 2010-1 330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (art 16)). « […] Une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse. Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent : 1/ Les conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ; 2/ Les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ; 3/ Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité. » Lors de sa réunion du 21 octobre 2010, alors que la loi va être définitivement adoptée dans les jours qui suivent, le CNC adopte une déclaration qui, par ces phrases, prend date pour l’avenir (https://www.cfdt.fr/portail/actualites/protection-sociale-/-solidarites/nous-avons-gagne-la-bataille-de-lopinion-gardons-cette-force-recette_43564).
« Le vote définitif du parlement donnera un autre cadre à l’action syndicale. Cette loi n’assure pas la pérennité de nos régimes de retraite, il faudra d’autres étapes. L’intégration par le Sénat d’un amendement portant sur l’étude d’une réforme systémique correspond à une demande de la CFDT. Tout cela nous encourage à inscrire notre projet alternatif dans le débat public dans les semaines et les mois qui viennent. » Un groupe de travail du Bureau national est mis en place. Ce travail débouche dans un dossier de La Revue de la CFDT « Retraites, vers une réforme systémique » (La Revue de la CFDT n° 107, mars 2012. https://www.cfdt.fr/portail/actualites/l-avenir-des-retraites/retraites-vers-une-reforme-systemique-rec_112511), deux mois avant l’élection présidentielle de 2012. Le changement de majorité en juin 2012 permet à la CFDT d’obtenir des résultats corrigeant la réforme de 2010 (carrières longues, pénibilité, prise en compte de l’apprentissage, amélioration pour certains polypensionnés…) mais d’emblée, le gouvernement Ayrault ferme la porte à une réforme systémique que la CFDT est seule à demander et que sa majorité aurait sans doute du mal à porter. La résolution du congrès de Marseille, en juin 2014, aborde peu la question des retraites (la rapportrice indique dans son introduction qu’elles sont « peu abordées dans la résolution, car nous avons beaucoup débattu du sujet et élaboré une doctrine solide ») tout en rappelant l’orientation en faveur d’une réforme systémique (Intégrale du congrès, juillet 2014. https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2014-09/101_reso_generale_2014-09-26_09-23-26_460.pdf) 11. « Seule une réforme systémique des retraites par répartition permettra véritablement de réduire les inégalités, d’être plus adaptées aux parcours professionnels et personnels et de répondre aux besoins de financement. Nous devons faire progresser, dans le débat, les règles que nous avons définies pour une telle réforme. »
En revanche, alors qu’une réforme allant dans le sens des propositions de la CFDT est inscrite dans le programme sur lequel le nouveau président de la République s’est fait élire, le congrès de juin 2018 à Rennes va préciser ces propositions en se prononçant par un débat d’amendement pour « poursuivre l’harmonisation des 35 régimes, de manière progressive et concertée, pour aller vers un système de comptes notionnels ou à points qui soit performant tout en préservant la solidarité à travers le système de retraites de répartition ». Dans le débat d’amendement, le rapporteur défend cette position en la resituant dans ce qui a été débattu et décidé depuis 2010 (Brochure « L’intégrale du congrès – 49ème congrès CFDT 2018 Rennes ». https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2018-07/lintegrale_du_congres_2018-07-26_16-39-48_768.pdf) : « Le sujet a bel et bien été débattu et tranché politiquement, depuis Tours en 2010 : la répartition basée sur la contributivité. Le système par points ou notionnel est le plus juste pour cela (à cotisations identiques, droits identiques) et permet de corriger les aléas et de financer la solidarité, au-delà des seuls actifs. […] Justement quand s’ouvre la piste d’un régime universel, sans esquive ni crainte du débat, réaffirmons notre ambition pour un système universel, équitable et porteur de droits nouveaux. »
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