Guerre sanitaire, économique & sociale
- Anne-Sophie Balle (aballe@cfdt.fr)
- 17 mars 2020
- 5 min de lecture
• Alors que la France est officiellement entrée en stade 3 de l’épidémie, le chef de l’Etat vient d’annoncer un confinement strict du pays à compter du 17 mars. • Les dispositifs de sécurisation des travailleurs et des entreprises se mettent progressivement en place, en lien avec les partenaires sociaux. • Plus que jamais, le dialogue social s’impose à tous les niveaux.
En l’espace de quelques jours, le pays est entré dans une nouvelle dimension. Celle d’un pays « en guerre » : Guerre sanitaire contre la propagation du virus, guerre économique et sociale, avec un pays prêt à contre-attaquer « quoi qu’il en coûte » selon les propres termes du chef de l’Etat.
L’interdiction des rassemblements et autres manifestations sportives tourmentaient déjà certains pans de l’économie depuis plusieurs semaines (événementiel, hôtellerie-restauration, voyagistes…) provoquant des demandes croissantes de chômage partiel, de l’ordre de 6 900 selon un décompte du ministère du travail du 13 mars dernier. Avec la fermeture des lieux « non indispensables à la vie du pays » (cafés, restaurants, cinémas…) décrétée ce week-end, le nombre de salariés placés en activité partielle a subitement bondi, passant de 120 000 à quelques deux millions. Ce 16 mars au soir, l’annonce du confinement strict de la population marque une nouvelle étape, dont les conséquences économiques et sociales sont, à ce stade, difficile à évaluer.
Un mécanisme « exceptionnel et massif »
Qu’en est-il du côté des dispositifs déjà mis en œuvre ?
Dès son allocution du 12 mars, le chef de l’Etat avait confirmé la création d’un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel. « L’Etat prendra en charge l’intégralité de l’indemnisation de tous les salariés en chômage partiel, quelle que soit leur rémunération (soit 85% du salaire net de tous les salariés, ndlr) » a précisé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire devant les partenaires sociaux reçus vendredi 13 mars.
Objectif : que les entreprises ne perdent pas leurs salariés et puissent rebondir plus rapidement après la crise. Pour cela, le gouvernement en appelle à favoriser les plans de continuité de l’activité – ce qui permettrait aux entreprises de conserver les emplois et compétences, y compris pour les apprentis.
Pour la CFDT, il s’agit également de construire des réponses exceptionnelles pour la formation, dans la continuité des dispositifs "former plutôt que licencier" instaurés pendant la crise de 2008, et qui avaient produit des résultats. Aussi insiste telle sur la nécessité de mobiliser des moyens dits exceptionnels.
« Pour prendre en compte le contexte particulier qui contraint les mobilités, une partie des financements pourrait permettre de développer l’offre de formation digitalisée et à distance, » avance-t-elle. Une mobilisation des dispositifs existants en direction des salariés des entreprises de moins de 50 par les OPCO en lien avec les branches professionnelles serait alors privilégiée.
Attention aux angles morts
« Les dispositifs d’appui aux salariés ne doivent pas oublier les angles morts de la réponse aux conséquence de la crise sanitaire », insistait ces derniers jours Laurent Berger, citant en particulier les salariés du particulier employeur (près d’un million de salariés) et les contrats courts. « Si personne ne conteste les mesures de soutien aux entreprises, il en va de même pour les salariés. A cet égard, le maintien de l’application des règles d’assurance chômage au 1er avril qui pénalise d’abord les travailleurs précaires serait insupportable et totalement incompréhensible au regard du « coûte que coûte » évoqué par Emmanuel Macron » assénait le secrétaire général, dont la demande de renoncement à la réforme a été partiellement entendue (lire encadré en fin de page). Quant au secteur de l’emploi à domicile, la convention collective ne prévoit pas de droit de retrait. Un vide juridique que le gouvernement a décidé de combler, en annonçant quelques heures avant l’allocution du président de la République la mise en place d’un dispositif comparable au chômage partiel : les salariés exerçant à domicile seront indemnisés à hauteur de 80% de leur salaire s’ils ne peuvent pas venir travailler. L’employeur fera l’avance du salaire et pourra se faire rembourser ultérieurement auprès de l’organisme auquel il déclare les heures de son employé.
Du côté des administrations, une réunion de travail présidée par le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt, s’est tenue le 16 mars afin d’évoquer « la gestion du Covid-19 dans les services publics de façon à assurer la mobilisation des agents de leur protection ». Une réunion demandée depuis plusieurs jours par la CFDT Fonctions publiques qui souhaite voir clarifiée la situation des agents, en particulier l’application du jour de carence aux agents atteints par le Covid-19. Mais pas seulement. Au-delà des soignants, nombre d’agents publics se retrouvent aujourd’hui première ligne et vont devoir se mobiliser au service de la population dans cette période exceptionnelle. La fédération Interco demande notamment « aux responsables des ministères et collectivités locales d’être associés, au plans national et locales, quant aux réflexions sur l’organisation des plans de continuité des services publics et la prise en compte des questions de santé et sécurité des agents ».
Du côté du service public de l’emploi (qui risque d’être largement mobilisé dans les prochains mois), le ministère du Travail a annoncé une adaptation des modalités de fonctionnement « afin d’assurer la continuité de ses missions ». Des modalités d’accompagnement à distance sont mises en œuvre, même si au sein de Pôle emploi et des missions locales, l’accueil physique reste à ce jour possible pour les situations urgentes.
Le début d’une prise en charge coordonnée ?
Quid d’une réponse coordonnée ? Les rencontres des ministres européens s’étaient multipliées ces derniers jours, sans grand succès. A l’issue d’une réunion du G7 tenue ce 16 mars et consacrée à la gestion du Covid-19, la Commission européenne a décidé de fermer à compter du 17 mars les frontières de l’espace Shengen pour une durée de 30 jours. Des exceptions sont néanmoins prévues pour les citoyens et résidents de longue durée, ainsi que pour les frontaliers engagés dans la bataille sanitaire contre le Coronavirus. Elle appelle également à « protéger les travailleurs du chômage et des baisses de revenus […] en encourageant le chômage partiel, les programmes de perfectionnement et de requalification qui se sont révélés efficaces par le passé ». Un engagement salué par la Confédération européenne des syndicats, et qui doit s’accompagner d’une accélération de la proposition législative sur l’assurance chômage européenne.
L’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage reportée
Il aura fallu une crise sanitaire, économique et sociale pour que le gouvernement ne revienne finalement (mais partiellement) sur sa réforme, dont les mesures les plus drastiques devaient entrer en vigueur au 1er avril. Après un appel unanime des organisations syndicales à l’abandon de la réforme – réitéré devant la ministre du Travail lors de la rencontre du 13 mars – le gouvernement a choisi de reporter de cinq mois la modification du mode de calcul de l’allocation chômage, qui doit durement impacter ceux qui alternent les périodes de travail et d’inactivité (soit près de la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés). Selon l’Unedic, quelques 850 000 demandeurs d’emploi sont concernés par cette mesure, principale source d’économies de la réforme. Un décret devrait être publié d’ici le 18 mars. La dégressivité des allocations pour les salariés touchant les hauts revenus elle, reste en vigueur, les premiers demandeurs d’emploi devant être concernés à compter de mai.
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